Friday, April 1, 2011

Bạch Thái Quốc: Rendre visible















Hiver













Rendre Visible









Au départ, il semble que Phan Nguyen ait toujours peint en fonction du réel. En témoigne la série des Quatre Saisons:
Chacun des quatre tableaux proposant en fonction des autres une sorte de jeu d'identification, l'essentiel reste la tonalité particulière, l'invitation à pénétrer les couleurs pour retrouver les sensations propres à chaque métamorphose du cycle annuel.
       Ici, non seulement réalité et abstraction ne sont plus nécessairement opposées, mais art figuratif et art abstrait ne se cantonnent plus dans des zones bien délimitées.
       De même, déjà, à travers "Les Quatre Saisons", pointe une intuition du temps qui, dans son essence, ne serait pas rupture et changement, mais mouvement et continuité.
     "Les Quatre Saisons" de Phan Nguyen préfigurent ce qui sera la peinture des forces qui gouvernent l'incessant mouvement entre le réel et l'abstrait.

La série des mini-formats "Fractus" nous oblige à une autre démarche plus contraignante:
Épouser la réversibilité entre le petit et le grand, microcosme et macrocosme, instant et durée.
        Phan Nguyen s'en ait expliqué: par Fractus, il entend débris d'émotion, dont il a l'ambition de restituer l'éclat fugitif - or justement, la série de Fractus répète inlassablement, d'un tableau à l'autre, les pulsations, les vibrations d'une matière en fusion autour, à partir d'un point - qui serait à l'origine, l'ouverture, le centre par lequel transmutent sensations et couleurs.
Ici, le monde s'est disloqué, le geste devient convulsif car il n'obéit qu'au seul rythme intérieur.
       On pourrait oser une affirmation, à partir d'un héritage minimaliste, Fractus sollicite chez le spectateur un véritable élan de foi. Fractus suggère quelque chose d'intense au delà du réel, au delà de l'acte pictural, qui mérite d'être appelé communion et complicité spirituelles.

       Les grands formats de Phan Nguyen, les peintures sur bois ou sur toile répondent, quant à eux à des sollicitations plus variées, plus complexes: Le point est devenu sphère, la matière en fusion cède la place aux mouvements et aux lignes coordinatrices, des traits surgissent pour rythmer l'espace et délimiter les plans concomittants, enfin, des giclures violentes naissent, traversant de leur intensité émotionnelle toute la surface du tableau.
      Une évolution lente, mais évidente, gouverne la série des grands formats. Non seulement la forme préalablement concue n'existe plus, mais encore, le geste immédiat et la matière dont il se nourrit réclament encore plus d'autonomie, plus d'énergie vitale à l'état brut.
      Phan Nguyen rejette alors la contrainte de la toile placée sur un chevalet au profit de la technique de la toile posée au ras du sol, ce qui permet à la fois de se libérer d'un point de vue unique et d'exalter l'intuition, l'instantané, le don du hazard.
      Toutes les composantes du tableau: couleurs, texture, relief, pesanteur, équilibre, déterminant l'avènement de la sensation pure, affranchie à la fois du réel et de l'anecdotique. Petit à petit, même la sphère, symbole de perfection et de finitude, seul signe signifiant, tend à disparaitre, au profit d'un ensemble plus sensible, plus pur, mais totalement indépendant.

Phan Nguyen a fini par rejoindre la célèbre formule de Paul Klee:

    "Non pas rendre le visible, mais rendre visible"









Bạch Thái Quốc

Journaliste
Directeur de RFI (Vietnam)














Fractus 93 H1